A broken heart bleeds tears

Ji Hoon, In Ha, Moeko & Joo Hee

On attendait calmement, enlacé tous les trois, moi, Saera et la mère de Ji Hoon. On était resté debout, longtemps, j'avais incité ma tante à s'asseoir, cela faisait trop pour elle en peu de temps. Je m'étais mis à sourire, piochant dans mes réserves, mon masque de fer inébranlable pour les rassurer. Mais il était bien fissuré, le lieu ne m'aidait pas à ne pas flancher. Je ne me sentais pas bien moi non plus, ma tante compatissait, sa main sur mon épaule. J'essuyai les larmes de sa petite sœur, elle lançait des « Oppa », des murmures... Hana faisait-elle aussi pareille ? Me cherchant partout, le jour où je m'étais enfui après la mort de mon frère ? Je frottai doucement son dos, lui assurant que tout irait bien, qu'il était fort son grand frère, qu'il allait veiller sur elles comme il l'avait promis à leur père. Elle avait souri à son tour faiblement, rejoignant sa mère sur le banc. On était resté ici bel et bien une heure, au moins. Après nous avoir dit que son état s'était stabilisé, je laissai les deux femmes allaient remplir des papiers à l'accueil pour son hospitalisation. Peu de temps après, Moeko me rejoignait enfin. Je lui faisais un rapide résumé, et on attendait, guettant insatiablement le moment où il se réveillerait, le moment où l'on pourrait le voir. J'étais toujours tendu. La lumière avait perdue depuis un moment de sa couleur rougeâtre, pourtant je ne pouvais pas m'empêcher de m'agiter. Du stress, de l'énervement, de la peur... J'essayai tant bien que mal de piocher dans le calme, dans la douceur qu'apportait Moeko, assise à mes côtés, mais rien n'y faisait. Je n'y arrivais pas.

Je gardais le silence, répondant de temps à autre à la japonaise, avant d'être rejoint par Joo Hee qui ne connaissait pas encore la situation. L'ancienne jaune savait rassurer, elle lui raconta tout, omettant les détails, les pires détails, qui me firent détourner les yeux vers le sol. Les Moon étaient revenus, elle se précipita vers elles, chaleureuse. Elle avait toujours été chaleureuse, ça me manquait, elle me manquait. Je détaillais leurs expressions, elles souriaient légèrement, leurs mains s'enlaçant mais je n'étais pas dupe. Elles venaient de perdre le patriarche des Moon, mon oncle. La perte fût grande, douloureuse, pour mon cousin aussi. Je le voyais déchanter depuis des semaines, je le remuais comme je le pouvais, en douceur. Mais j'aurais dû faire plus... Qu'avais-je mal fait ? On pouvait faire tellement de choses avec les « si » qui se listaient dans ma tête. On ne m'avait pas secoué à l'époque, je m'étais plus ou moins secoué tout seul après la mort de mon frère, mais des mois après. Je ne voulais pas que Ji Hoon s'en remette seul, comme moi, comme je m'étais forcé à le faire, et imposé à ma famille. Je m'en voulais encore, et je savais qu'il allait s'en vouloir en voyant le visage de sa mère et de sa sœur auprès de lui. Je lâchai un soupir, exaspéré. La mort d'un être cher nous rendait tous fou.

Saera ramena sa mère à la maison, toutes les deux étaient exténuées. Peu de temps après, on nous informa que Ji Hoon s'était enfin réveillé, qu'il était conscient et apte à recevoir du monde. Ma bouche s'entrouvrit alors qu'on se regardait tous les trois pour savoir qui allait ouvrir la porte en premier. Je fis un pas en arrière, baissant la tête. Il valait mieux que ce soit l'une des deux, il valait mieux qu'elles entrent en premier. Joo Hee avait compris le message et s'était entrepris d'ouvrir la porte en premier. Chacune à leur tour, leurs visages changeaient d'expression à la vue du jeune homme dans la chambre. Je les observais défiler à l'intérieur, avant de reporter mon regard sur le lit qu'il occupait. Je restai près de l'entrée, alors que Joo Hee se plaçait près de lui, suivi de Moeko de l'autre côté. Un fil enfoncé dans sa peau pale, dans sa main droite qu'il gardait plaqué sur les draps. Je détaillai la couleur translucide de ce tube, les machines qui l'entouraient, peu nombreuses mais ça suffisait à me pétrifier. « Putain de merde, sale con. Tu nous as fait peur. »  lui lança Moeko en s'avançant vers lui pour lui déposer un baiser sur le front. Je m'avançais à mon tour avec lenteur, le regard traînant sur le sol et les alentours, la mâchoire crispée, avant d'agripper fermement mes mains sur le métal froid du fond du lit. Je m'y appuyai, silencieux, relevant un regard dur sur Ji Hoon. Ses yeux étaient rougis, mais pas autant que les miens, pas autant que les leurs, de sa famille. « … Est-ce que tu sais ce que je vais te dire ? Est-ce que j'ai besoin de le dire, Ji Hoon ? » murmurai-je d'une voix énervée. « Alors, je vais répéter les mots que tu m'as dit, le jour où je suis rentré des Etats-Unis, après cinq mois sans nouvelles : "T'es qu'un con, un abruti, un putin d'égoïste. Tu n'as pensé qu'à toi, tu as souffert seul alors que j'étais là, qu'on était tous là avec toi et tu as préféré t'enfoncer et fuir. J'suis rien pour toi ?" Voilà, c'était tes mots. Tu veux me ressembler ou quoi ? T'as rien appris de mes conneries ? » criai-je cette fois-ci un peu plus fort, tapant du poing sur le rebord du lit. « T'as intérêt à t'excuser auprès de ta mère et ta sœur, tu m'as compris ? » Je sentais ma poitrine se gonfler, lâchant soudainement tout d'un coup. « Faire ce genre de connerie, ce n'est pas digne de toi. J'aurais fait quoi moi sans toi... ? » lui lançai-je, ma dernière phrase se faisant moins forte, mais toute aussi piquante, trahissant toujours mon inquiétude, et toute l'accumulation de cette soirée, qui me rendait particulièrement irritable...  
  

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.